mardi 5 septembre 2017



D’où vient le taichi chuan(taiji quan)?
Le taichi chuan(taiji quan) est devenu célèbre dans la société chinoise à partir du milieu du 19e siècle; c’est à Pékin que Yang Luchan (1799-1872) a présenté son art et a acquis sa renommée.
Si l’art martial de Yang Luchan est devenu célèbre, c’est, certes, parce que sa philosophie pratique a plu à des personnes de la haute société de Pékin ; mais avant tout Yang Luchan avait montré ses grandes capacités en art martial contre différents adeptes de cette époque. Autrement, il n’est pas concevable qu’un adepte qui n’avait pas une éducation très raffinée et qui arrivait de province ait pu gagner un si grand prestige dans la capitale où existait une forte rivalité entre un grand nombre d’adeptes d’arts martiaux de différentes écoles.
Yang Luchan a  étudié son art martial à Chenjia Gou, village de la province du Henan, sous la direction de Chen Changxing (1771-1853). De ce fait, l’origine du taichi chuan (taiji quan) contemporain remonte à l’art de YangLuchan qui étudia à Chenjia Gou auprès de Chen Changxing. Ceci est un fait historique.
Cependant, il existe plusieurs théories ou interprétations sur la naissance du taichi chuan (taiji quan)  : qui l’a fondé, qui l’a commencé, comment a-t-il été transmis, etc. ? Il y a deux interprétations historiques fondamentales selon que son origine est située à l’extérieur ou à l’intérieur du village de Chenjia Gou.
1) Dans la première interprétation, on pense que le taichi chuan (taiji quan) a été inventé par Zhang Sanfeng, ermite taoïste qui habitait dans la montagne du Wudang au 14e siècle. Son art a été pratiqué et transmis durant plusieurs siècles et est parvenu à la fin du 18e siècle jusqu’à Wang Zongyué, l’auteur du “taichi chuan jing” (canon du taichi chuan). Il a transmis le taichi chuan (taijiquan)  au village de Chenjia Gou où ChenChangxing l’a appris et l’a transmis à Yang Luchan.
Cette interprétation a été diffusée au début du 20è siècle, principalement par le courant de l’école Yang de taichi chuan (taiji quan): Yangshi taichi chuan.  C’est en référence à Zhang Sanfeng que le taichi chuan (taiji quan) est parfois qualifiée d’école interne (neijia) ou de courant de Wudang. L’expression neijia existait déjà à l’époque Ming (1368-1662), mais la tendance à qualifier le taichi chuan (taiji quan) d’école interne est apparue au 20è siècle.
Dans ce courant d’interprétation, il y aussi des personnes qui considèrent que Zhang Sanfeng est un personnage fictif et qu’on ne connaît pas le créateur du taichichuan (taiji quan), mais que c’est Wang Zongyué qui a transmis le taichi chuan(taiji quan) au village de Chenjia Gou.
Selon la seconde interprétation, la fondation du taichi chuan (taiji quan) remonte à Chen Wangting (1600-1680) de la 9è génération du clan Chen. Ce fut un grand guerrier qui a élaboré la forme de base du taichi chuan (taiji quan) dans le village de Chen où les apports des autres arts martiaux sont introduits au cours du temps et que la forme originelle du taichi chuan (taiji quan) a été réalisée. Celle-ci a été transmise à Yang Luchan par Chen Changxing.
Cette interprétation, critique de la première, a été présentée dans les années 1930 par Tang Hao, historien des arts martiaux chinois. Tang Hao pense que Wang Zongyué n’a pas apporté le taichi chuan (taiji quan) à Chenjia Gou, mais qu’il l’y a appris et qu’il a écrit  “taichi chuan jing”.
Kyôji Kasao, chercheur japonais des arts martiaux chinois, présente depuis quelques années une autre interprétation en relation avec la découverte d’éléments ignorés de ses prédécesseurs. Après avoir minutieusement examiné l’origine du terme taichichuan, il affirme qu’aucune de ces deux interprétations n’est fondée. S’appuyant sur des découvertes documentaires récentes, le fondement de l’interprétation de K. Kasao me paraît le plus crédible. Je vais présenter ci-dessous son raisonnement en m’appuyant sur son ouvrage Chûgoku Bujutsu-shi Taikan (Vision globale sur les arts martiaux chinois), Ed. Fukushôdô, Tokyo, 1994.
1°) Il n’existait aucun art de combat qui s’appelait taichi chuan (taiji quan) avant que Yang Luchan ait répandu son art martial à Pékin ; un art martial appelé « taichi chuan (taiji quan)» commence à exister seulement avec l’enseignement de Yang Luchan vers 1870-80.
L’art martial transmis par ce dernier est certes basé sur ce qu’il a étudié sous la direction de Chen Changxing à Chenjia Gou, mais il en diffère aussi bien pour ce qui concerne le mode d’exécution technique que pour la philosophie de l’artmartial. En effet l’art martial traditionnel de Chenjia Gou était constitué de techniques et de mouvements rapides et puissants, tantôt piétinant avec puissance, tantôt en sautant haut en l’air. L’aspect de cet art martial est très différent de l’image actuelle du taichi chuan (taiji quan) où l’on exécute les techniques avec lenteur et en souplesse. L’art martial originel du villagede Chen que Yang Luchan a étudié était un art martial du courant du nord de la Chine, un des courants de Shaolin chuan qu’on appelait tantôt « toutào shi » tantôt « shisan shi ».
Le terme taichichuan (taiji quan) est une appellation nouvelle pour qualifier l’art martialqu’a commencé à enseigner Yang Luchan.
2°) Wang Songyué est considéré comme l’auteur du “taichi chuan jing”, texte fondamental du taichi chuan (taiji quan). Mais ce texte était originellement une partie du texte intitulé «Yinfu qiangpu », le texte sur la pensée fondamentale de l’art stratégique de la lanceYinfu Dans ce texte, on trouve les deux idéogrammes tai-chii mais le terme taichi chuan (taiji quan) n’y existait pas. Dans « Yinfu qiangpu » Wang Songyué développe la pensée stratégique par la concordance avec le principe universel et  explique sa conception des arts martiaux avec une philosophie du taichi chuan (taijiquan).
  1. Kasao pense que Wu Yuxiang, un des premiers élèves de Yang Luchan, trouva que ce texte exprimait parfaitement la subtilité de l’art martial qu’enseignait son maître. Il sélectionna la partie la plus importante de ce texte en y rajoutant le terme taichi chuan (taiji quan) et le nomma “taichi chuan jing”, et rendit hommage à Wang Zongyué. C’est ainsi qu’apparaît une fausse interprétation selon laquelle Wang Zongyué a fondé le  taichi chuan (taiji quan) et qu’il l’a transmis au village de Chenjia Gou.
Yang Luchan a élaboré et développé de manière personnelle l’art martial qu’il avait appris à Chenja Gou. Son idée technique s’est appuyée sur la philosophie de Wang Zongyué. C’est pourquoi, selon K. Kasao, l’idée et la pratique du taichi chuan(taiji quan) à part entière sont nées vers 1870 avec l’art de Yang Luchan.
Le taichi chuan(taiji quan) de Yang Luchan gagne une grande notoriété dans la haute société de Pékin à partir de la fin du 19e siècle. D’une certaine manière, le taichi chuan(taiji quan) est devenu si célèbre que l’art martial de Chenjia Gou prend lui aussi le nom de taichi chuan (taiji quan) à partir du début 20e siècle et affirme que c’est lui qui est à l’origine du taichi chuan (taiji quan). C’est de là aussi qu’est née une autre cause de confusion.
En effet l’art martial de Chenjia Gou avait, jusqu’au début 20e siècle, un aspect un peu différent du taichi chuan (taiji quan) de style Chen actuel. En quelque sorte, en adoptant le nom « taichi chuan », il a adopté aussi sa philosophie et l’idée de pratique souple qui permet de bien faire circuler le qi. En introduisant ces idées pratiques caractéristique du Yangshi taichi chuan(taiji quan) dans l’art martial dynamique et rapide, il a peu à peu transformé sa manière de « faire » pour se constituer en Chenshi  taichichuan. Plus concrètement, bien que les séquences gestuelles des « tao lu » soient peu changées, la manière d’exécuter s’est transformée en y introduisant des mouvements souples et lents qui visent la circulation du qi(yùnqi).


Extrait du livre : Tai-chi-chuan : Origines et Puissance d’un Art Martial

Kuradojo Marseille 13010

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