mercredi 6 septembre 2017



Réflexion pratique
Pour ceux qui cherchent à progresser dans les arts martiaux, la méthode est comme une nourriture. Il leur en faut une bien nourrissante et équilibrée pour pouvoir progresser et bien évoluer, car la vie n’est jamais figée, il y a des hauts et des bas que nous devons traverser. Il ne s’agit pas d’être bien et fort à un moment de la vie, mais de poursuivre un chemin ascendant en évoluant positivement avec le temps de la vie. La méthode du taichi chuan (taiji quan)  en est une pour moi. Dans cette optique j’examine le taichi chuan (taiji quan) sous trois angles : la santé par la pratique du qi gong, le bien-être avec le taichi chuan (taiji quan)  et pour l’efficacité en art martial avec la pratique du combat Xing Yi et Bagua. Il m’est absolument égal que mon taichi chuan(taiji quan)  soit conforme ou non au style « officiel », car je ne le pratique pas comme un code à respecter. Je pratique une méthode qui me fait progresser, c’est-à-dire qui me donne des résultats positifs sur ces trois aspects.
J’ai soulevé précédemment quelques questions qui m’ont paru fondamentales pour comprendre le taichi chuan (taiji quan) en tant que méthode : elles se résument à une interrogation : comment peut-on cultiver et développer des capacités en vitesse et en force en s’exerçant lentement et souplement ? Ce sont des aspects de l’efficacité qui sont directement observables dans un temps relativement court, tandis que le « bien être » à un aspect subjectif et la santé s’inscrit dans le temps de la vie qui est long.
En tout cas, je pense que nous ne pouvons pas développer des capacités en vitesse et en force en vieillissant sans avoir une bonne santé – et le taichi chuan(taiji quan), ayant une logique pratique, permet de développer et de renforcer la santé bien plus que la gymnastique.
Je pense qu’une des clefs s’exprime par le concept chinois de « zheng li » que je traduirai par : « tensions simultanément opposées et complémentaires ».
Voici un exemple simple de « zheng li ». Vous levez les mains comme si vous embrassez un tronc d’arbre. Relaxez-vous bien dans cette posture, et créez une sensation particulière : vous voulez approcher les mains, alors qu’elles se repoussent comme si elles étaient devenues les pôles positifs de deux aimants ; sitôt que vous voulez les éloigner, elles s’attirent comme si elles étaient devenus les pôles positif et négatif de deux aimants. En artmartial chinois, on appelle « zheng li » ce type de sensation d’obstruction et d’attirance qui accompagne nos gestes et qui sont perçus lorsqu’on est bien détendu et qu’on fait lentement le mouvement.
Je pense que la technique subtile du jûjutsu et celle du taichi chuan (taiji quan)  s’appuie sur cette zone afin de placer l’adversaire dans une situation où il a du mal à faire un geste. On est alors immobilisé ou projeté sans avoir l’impression de recevoir une force ou un impact important.
Si l’exercice de musculation avec des poids fait travailler en force une zone précise, la pratique du taichi chuan (taiji quan) me semble combler des zones floues qui sont indissociables des mouvements du corps et essentielles pour réaliser un geste technique. L’exercice du zhuang zhang (ritsu-zen) où vous prenez, par exemple, la position d’embrasser un arbre, vise également, selon moi, à combler cette zone floue inhérente du geste. En exercice du  zhuangzhang (ritsu-zen), vous fermez des yeux et faites d’une manière imperceptible le geste de placer le poids en avant, puis en arrière, du corps ; vous pouvez sentir les mouvements comme s’ils étaient amplifiés, comme s’ils étaient vus à travers un microscope. Ce type de sensation d’agrandissement de l’envergure gestuelle est bien connu dans l’exercice du qi gong où on dit : « Alors que le corps bouge à peine, tu as la sensation d’être devenu un arbre qui ploie sous l’effet d’un vent violent. »
Selon moi, la méthode du taichi chuan (taiji quan) cherche à combler cette partie essentielle du geste afin d’obtenir une consistance dans les gestes techniques. Dans le combat de kendô, on apprend à frapper au moment du vide qui apparaît à l’instant où l’adversaire veut lancer son attaque qu’on appelle « debana », l’instant vulnérable. Comment effacer cet instant de vide est une préoccupation technique de tous les adeptes. « La frappe d’une seule cadence » ou « frappe de non pensée » qu’explique Miyamoto Musashi dans son art du sabre Japonais est impossible à réaliser sans combler cette zone floue qui apparaisse préalablement au geste.
Nous comprenons naturellement que pour ressentir intimement notre corps, il faut nous situer dans un état mental particulier qui s’apparente à une sorte de méditation. L’exercice du qi gong en est exemple.
On reçoit en taichi chuan (taiji quan) l’enseignement : « bouge comme si tu étais dans l’eau » ; vous faites des gestes comme si vous subissiez la résistance de l’eau partout autour du corps. La lenteur du geste nous permet de nous plonger dans la sensation subtile qui forme nos gestes. Ce travail nous permet peu à peu d’augmenter la consistance technique. Cette sensation risque de disparaître sitôt que vous faites un mouvement rapide, ou sitôt que vous contractez les muscles, car la rapidité du geste et la tension musculaire nous empêchent de prendre un recul nécessaire pour observer et ressentir la qualité du « zheng li ». C’est une des raisons pour lesquelles on s’exerce lentement en taichi chuan (taiji quan).

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